Pauvre Sacré Charlemagne

album de famille

Le fils de Pépin le Bref s’est retourné deux fois dans sa tombe. Tout d’abord en septembre 1944, lorsqu’une unité de SS français fut nommée Waffen-Grenadier-Brigade der SS Charlemagne [en Français dans le texte]. Ce fut par un décret paru au Journal officiel du 22 juillet 1943 que l’État français permit les engagements dans la Schutzstaffel (SS). Mais pourquoi donc ? Pour la défense de l’Europe

Affiche française de recrutement en 1943

Une anecdote de cette époque : un gamin éminent de la branche alsacienne de la famille en croisa qui faisaient du tourisme dans les rues de Strassburg [Strasbourg en Français, alors territoire allemand], s’exclama en Français Regarde, maman, des boches qui parlent Français. Un SS s’approcha et lui dit Non, mon garçon, nous sommes des Français qui nous battons pour l’Europe nouvelle. Pétrifiée sur le moment, la maman passa plus tard à la maison ses nerfs sur le garçon. À la même époque, la branche corse de la famille a tendu des embuscades aux Allemands de la brigade Reichsführer SS, alors que des troupes marocaines allaient débarquer pour libérer l’île.

La formation SS française fut engagée au combat pour la première fois le 9 août 1944, contre l’Armée rouge en Pologne. Nommée brigade Charlemagne en septembre, elle devint 33. Waffen-Grenadier-Division der SS Charlemagne en février 1945, comptait alors un peu plus de 7000 hommes, majoritairement des miliciens de Joseph Darnand et des vétérans de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF)

À lire sur la Milice, qui jusqu’à l’effondrement en 1944 de l’État français, fait la chasse aux résistants
Affiches de recrutement de la LVF, un régiment de supplétifs français de la Wehrmacht sur le front de l’est, qui constitué en 1941, étrillé par l’Armée rouge en hiver, est ensuite relégué à des missions anti-partisans

Les Allemands raclaient depuis un certain temps les fonds de tiroir et début mars 1945, les Soviétiques détruisirent en Poméranie la division SS française, dont le commandant allemand confia auparavant qu’il aurait préféré disposer de la Handschar, leurs homologues bosniaques. Quelques 300 survivants ont participé en avril à la défense de Berlin, capitale du Reich. Une douzaine d’autres se rendirent début mai aux Alliés occidentaux en Bavière. Mauvaise pioche, le général Philippe Leclerc les fit fusiller à Bad Reichenhall

Bad Reichenhall

En signe de contrition, Charles le Magne [grand] se résout même à raser sa barbe fleurie le 14 mai 2023, lorsque Volodymyr Zelenskyy reçoit le Internationaler Karlspreis zu Aachen [Prix international Charlemagne à Aix-la-Chapelle], que son ancienne capitale, aujourd’hui en Allemagne, aux frontières des Pays-Bas et de la Belgique, décerne chaque année, depuis 1950, pour un engagement en faveur de l’unification européenne. Le communiqué explique que depuis le 24 février 2022, début de l’opération militaire spéciale [appellation russe], Volodymyr Zelenskyy et le peuple d’Ukraine défendent l’Europe et ses valeurs

Une association de malfaiteurs (Federico Gambarini / dpa)

À noter que les récipiendaires de 2022 comptaient Sviatlana Tsikhanouskaya, une opposante biélorusse, qui après sa défaite à l’élection présidentielle de 2020, s’est exilée en Pologne, parle devant le parlement européen et visite Joe Biden à Washington, exhorte tout le monde à imposer des sanctions économiques contre son propre pays, la Biélorussie. Vous voyez le genre, je parle de l’hystérie, voire le bellicisme, du comité qui décerne le prix.

Valeurs, qu’ils disent. Le 9 décembre 2022 déjà, l’anthropologue et historien Emmanuel Todd a soulevé que les valeurs, c’est comme la culture ou la confiture. Vous connaissez la suite, moins on en a, plus on les étale

Volodymyr Zelenskyy n’est pas nécessairement nazi. Je le vois plutôt comme un comédien cocaïnomane et opportuniste, que ses sponsors ont fait élire président le 20 mai 2019, avec la promesse de faire la paix dans le Donbass, région russophone de l’est de l’Ukraine, qui réclamait l’autonomie, quand les nationalistes ukrainiens commencèrent à la bombarder fin mai 2014. Les événements sont bien décrits par Scott Ritter (entretien en Anglais), ancien officier de renseignement de l’US Marine Corps, puis inspecteur de l’ONU en Irak, une référence qui eut par exemple la sagacité de comprendre et d’alerter en 2003, tel Roland au col de Roncevaux, que le pays ne disposait pas d’armes de destruction massive, que l’affirmation de leur existence n’était que le faux prétexte de l’invasion anglo-américaine

Depuis le coup d’État de droite sur la place Maïdan, en février 2014, les organisations paramilitaires nazies (texte en Anglais) décident de beaucoup de choses en Ukraine. Le Donbass en est une. Volodymyr Zelenskyy a vite compris qu’il ne devait pas appliquer son programme pacifique s’il tenait à la vie. Aux oubliettes donc, l’espoir des accords de Minsk, qui de toute manière, dans l’esprit de leurs premiers garants européens, Angela Merkel et le tristement célèbre François Hollande, n’étaient qu’une escroquerie pour berner la Russie. Porté par des événements qu’il ne contrôle pas vraiment, Zelenskyy est devenu ce qu’il est aujourd’hui, le porte-étendard de la guerre par procuration que l’OTAN mène en Ukraine contre la Russie. Une sorte de satrape des marches de l’empire, qui profite en effet de la vie. La corruption endémique lui a permis de gagner plusieurs centaines de millions de dollars, au bas mot, depuis son élection.

Les SS ukrainiens appartenaient à la 14. Waffen-Grenadier-Division der SS Galizien, formée en avril 1943. Ils ont donc droit d’ainesse sur leurs homologues français. Bien que les autorités de l’ouest de l’Ukraine le réclament, le gouvernement central à Kiev n’a pas formellement reconnu leurs mérites. Leur célébration annuelle, le 28 avril, reste une manifestation autorisée mais non officielle

Le 28 avril 2021, Kiev célèbre le 78ème anniversaire de la division SS ukrainienne

L’État se contente d’émettre des timbres à leur effigie, ici pour le 75ème anniversaire

C’est à titre personnel que de nombreux combattants ukrainiens arborent l’insigne historique de la 14. Waffen-Grenadier-Division der SS Galizien

La photo de droite est publiée sur le compte Telegram de Volodymyr Zelenskyy le 24 août 2022. Le sergent Mykhailo Malyuk appartient au bataillon volontaire de police spéciale Sich, émanation du parti nazi Svoboda, rattaché à la 93ème brigade d’infanterie mécanisée

D’autres écussons leur permettent d’afficher leur héritage idéologique. La version modernisée de la Totenkopf est très répandue parmi les militaires ukrainiens

La Totenkopf originale (gauche) était l’emblême de la 3. SS-Panzerdivision. Le casque de la version modernisée présente également une clef, qui était l’emblème de la 1. SS-Panzer-Division, Leibstandarte SS Adolf Hitler (droite). Cet écusson est commercialié par l’entreprise ukrainienne R3ich

Le problème de la 14. Waffen-Grenadier-Division der SS Galizien est qu’elle était sous commandement allemand, pas assez nationale. Mais l’Ukraine ne manque pas de héros historiques nazis. Chaque année depuis 2015, le 14 octobre, le pays célèbre officiellement le Jour des défenseurs. La date correspond à la fondation en 1942 de l’UPA, Armée insurrectionnelle ukrainienne

Elle était la branche militaire de l’OUN, Organisation des nationalistes ukrainiens du criminel de guerre nazi Stepan Bandera

Elle fut formée dans la clandestinité, quand les nationalistes eurent compris qu’Adolf Hitler ne leur accorderait pas un État fasciste ukrainien, allié de l’Allemagne nazie. Elle n’a pas affronté les forces allemandes mais opéré un nettoyage ethnique, le massacre d’au moins 50 000, peut être 100 000 civils polonais. Puis en 1944, quand l’Armée rouge victorieuse est parvenue dans ses zones d’opération, l’UPA a commencé, en collaboration avec les services secrets SS, à mener une guérilla contre les libérateurs. Après la guerre, l’organisation a été prise en main dès 1946 par le renseignement britannique, qui s’en est servi pour conduire des opération de sabotage en Ukraine soviétique. Stepan Bandera avait trouvé refuge en Allemagne fédérale, où le KGB parvint à le liquider en 1959.

Et rebelote, voilà ce que Charlemagne doit encore se coltiner. D’ailleurs, le prix n’est pas décerné à proprement parler par l’Europe, mais par l’Union européenne. Nicolas Sarkozy a imposé aux Français cette organisation bureaucratique supranationale en 2008. Elle est doté d’un exécutif, la Commission, dont la présidente est actuellement une allemande, Frau Ursula von der Leyen. Les masques sont aujourd’hui tombés, l’Union européenne apparaît comme un espace libre-échangiste sur le territoire de l’OTAN, dont elle defend scrupuleusement les intérêts militaro-politiques. Sa puissance dominante est l’Allemagne, dont la soumission aux États-Unis est telle, qu’elle a accepté sans broncher le sabotage de Nord Stream (attention, ce lien pointe sur un véritable travail de journaliste) par ses maîtres. Charlemagne est encore compromis, à l’insu de son plein gré, pour l’Europe et contre les Russes.

L’Allemagne était coupée en deux, en 1964, quand France Gall chantait Sacré Charlemagne, le meilleur hommage qui lui a été rendu jusqu’à présent

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One response to “Pauvre Sacré Charlemagne”

  1. […] Bundeskanzler Olaf Scholz and Ursula von der Leyen, president of the European Commission, attended, I wrote a piece which is reminding that during WW2, the French SS division, for the defense of Europe, was already […]

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