CIRCULEZ, y’a rien à voir

constat d’un vichysme atavique

Le 20 avril 2019, j’ai pris à Paris, place de la République, cette photo d’un peloton de la BRAV-M

Cette journée du 5 avril 2023 est une représentation grand-guignolesque de la farce de boulevard qu’est la prétendue démocratie représentative française, d’une France que sa vanité empêche d’avouer à quel point son identité vichyste est toujours vivace. En cette veille de nouvelles manifestations contre une réforme des retraites que le gouvernement tente d’imposer au moyen de l’article 49.3,

  • le plus drôle pour commencer, Mediapart révèle que les journalistes de BFMTV, incarnation d’une presse de préfecture, valets ataviques, sinon congénitaux, qu’un Philippe Henriot n’aurait pas reniés, ont reçu l’ordre de ne plus prononcer l’expression violences policières.
  • Le Conseil d’État rejette les demandes de syndicats, associations de magistrats, avocats, de défense des droits de l’Homme, pour imposer l’identification effective des fonctionnaires de la Police nationale. Depuis 2014, les archers du guet sont censées arborer visiblement leur RIO (référentiel des identités et de l’organisation), une chaîne de caractères qui identifie chacun personnellement. Alors qu’en Allemagne par exemple, son équivalent est affiché en gros caractères au dos de l’uniforme, le minuscule RIO français est porté de face, souvent dissimulé par le fatras de gadgets dont les cognes aiment s’affubler. Beaucoup même se dispensent de le porter. Dans les faits, lorsque des témoins enregistrent au moyen de leur smartphone des actions policières illégales, le RIO est absent ou invisible et l’identification impossible. Violences en loucedé, un peu comme la sexualité de leur ministre, j’y reviendrai.
  • La Commission des lois classe, c’est à dire qu’elle rejette, la pétition populaire qui demandait la dissolution de la BRAV-M, un abcès qui cultive sans vergogne les instincts les plus vils de la médiocre Police nationale. Reconstituée en avril 2019, sous l’égide de Didier Lallement, le préfet qui sentait Papon, afin de réprimer le mouvement social des Gilets Jaunes, cette formation de maintien de l’ordre à moto fut la résurrection des voltigeurs, unité précédemment dissoute, après qu’un jeune innocent, Malik Oussekine, eut été battu à mort le 6 décembre 1986. Elle s’illustre continuellement comme la figure de proue de la Police nationale, ses violences illégales systémiques.
  • Le ministre de l’intérieur est interrogé par cette même Commission des lois, nie et ment comme un vulgaire voleur à la tire, transforme le débat technique et légal en tribune politique, accuse l’ultra-gauche. Le personnage est une opportunité de parler un peu de représentation. Lorsqu’il fut nommé ministre, Gérald Darmanin était poursuivi au pénal. La justice ne trouva finalement pas matière à incriminer et les affaires furent classées, mais les faits demeurent. Cette authentique grenouille de bénitier avait coutume de convaincre des administrées de lui pratiquer des fellations contre récompense. Un peu comme des prêtres catholiques profitent de leur ministère pour s’adonner à la pédophilie. Ce tocard absolu -je pèse mes mots- ne laissera pas d’autre trace dans l’Histoire que celles de son liquide séminal. Le fâcheux s’autorise même à remettre en cause le financement de la Ligue des droits de l’Homme, qui fut fondée le 4 juin 1898, en défense du capitaine Alfred Dreyfus. Darmanin dit

Je ne connais pas la subvention donnée par l’Etat, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qui ont pu être menées

  • Pour conjurer les accusations de fascisme, Darmanin cite en référence un ancien ministre socialiste, qui accuse aussi l’ultra-gauche. Un physique de rond de cuir de sous-préfecture, le pauvre n’y peut pas grand chose, Bernard Cazeneuve sortit de l’obscurité en avril 2014, pour faire éclater son incompétence. Il était ministre de l’intérieur le 7 janvier 2015, quand al Qaeda attaqua la rédaction de Charlie Hebdo, toujours en poste dix mois plus tard, le 13 novembre, quand le Califat infligea une spectaculaire débâcle aux services français de sûreté. Passons ici sur l’incurie des services de renseignement, la soirée fut mémorable aussi parce que les mêmes flicards, ceux dont je parle plus haut, les vaillants briseurs de mouvements sociaux, se sont alors terrés de frousse, parce qu’une poignée d’individus en face étaient armés. Épisode cocasse de ces événements, le fat Cazeneuve eut la suffisance de déclarer le 17 novembre que ses services n’avaient pas connu de faille. Par ailleurs, je remercie Darmanin de reconnaître que le fascisme est une idéologie de droite, mais le socialisme français n’en est pas un antidote. Sous l’égide du fasciste Philippe Pétain, d’anciens socialistes comme Pierre Laval et Marcel Déat ont été des figures du fasciste État français
Sous la houlette de Philippe Pétain, l’État français a créé la Police nationale le 14 août 1941. Ici le 21 janvier 1942, les policiers français prêtèrent allégeance à Paris au chef de l’État fasciste. La police française a été impliquée dans l’Holocauste et contre la résistance, fut blanchie après la Seconde Guerre mondiale. Par atavisme historique, cette culture-maison est encore forte en 2023 (Roger-Viollet)

Inspecteur de police en 1989, plusieurs années à la Brigade criminelle, quai des Orfèvres, officier de renseignement en contre-terrorisme, capitaine jusqu’à ma révocation en 2020, j’ai eu le temps de mesurer l’ampleur de la décadence de la Police nationale. L’élection d’Emmanuel Macron, les troubles sociaux qu’il a causés, m’ont permis de dépasser les questions corporatistes, de comprendre comment ces changement sont parallèles à la dégradation du climat politique, depuis une époque que je situe à l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur. Censée faire respecter la loi et pourchasser de véritables criminels, la Police nationale est devenue une coterie au service d’un État soucieux de maintien de l’ordre, c’est à dire la répression de mouvements sociaux opposés à des réformes néo-libérales. Les actions illégales y sont devenues systémiques.

Où est l’héritage vichyste ? Dans le caractère droitiste de ces politiques, dans cette primauté de la défense de l’État, pour lui-même, que les partisans de ces politiques ou thuriféraires de leur propre gagne-pain appellent institutions, comme pour le sacraliser. Dans ce mépris du Droit et des droits, essence du fascisme. Dans la ferveur religieuse, les tartufferies, l’anti-socialisme d’un Darmanin. Dans ce qu’est redevenue cette Police nationale, qui fut fondée par Vichy en 1941. Dans ce qui j’y ai entendu à partir des années 2010, au fur et à mesure de la dégradation de son recrutement et de sa formation, de son ancrage toujours plus à droite. Dans cette répugnante tradition française en somme, qu’Alain Badiou, en De quoi Sarkozy est il le nom, fait remonter au moins jusqu’à l’affaire Dreyfus.

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