La débâcle du 13 novembre 2015

Commentaire du film documentaire Les ombres du Bataclan, mis à jour après la déposition devant la cour d’assises spéciale, le 17 septembre 2021, du commandant de la Brigade criminelle qui a coordonné les constatations sur la scène de crime de la salle de spectacle, celle, le 22 septembre, du commissaire X, qui y fut primo-intervenant, celle, le 6 octobre, de Jean-Marc, présent dans la fosse au début de l’attaque, celles, le 27 octobre, de plusieurs autres BACqueux

Après Verviers, Abdelhamid Abaaoud (droite) est la vedette en février 2015 du magazine Dabiq

J’ai visionné sur le web Les Ombres du Bataclan (1), le film documentaire qu’Arte diffusera vendredi 3 septembre 2021, au sujet de la débâcle du 13 novembre 2015, à Paris. La trame semble être l’enquête parlementaire conduite à partir de février 2016 et conclue par le rapport 3922 (2). Le président de la commission était Georges Fenech (LR), son rapporteur, Sébastien Pietrasanta (PS). Les airs satisfaits de Bernard Cazeneuve (alors ministre de l’intérieur) et Manuel Valls (premier ministre) sont immédiatement insupportables. L’ex locataire de Matignon ne manque pas de se défausser sur Monsieur Y’a pas de faille (3). À les entendre, chacun avait tout prévu, chacun craignait ce massacre. Personne ne leur rappelle que les contribuables les payaient pour qu’il n’ait pas lieu.

Le Stade de France

Comme le déclare l’un d’entre eux, Omar Dmoughi, ce sont les vigiles qui ont fait le travail au stade de France, empêché les bombes humaines d’y pénétrer. L’ex premier ministre s’en réjouit, moi aussi. Mais non, Manuel Valls, l’objectif principal n’était pas en plaine Saint Denis. Les six fusils d’assaut Kalachnikov avaient été répartis entre les deux équipes qui opérèrent dans Paris. Aucun pour les premiers assaillants, qui ne portaient que des ceintures explosives (4). Leurs détonations retentirent comme le brigadier sur la scène d’une opération spectaculaire et meurtrière, en plusieurs actes. La première victime fut Manuel Dias, au stade de France.

Entre Saint Louis et Nation

C’est hélas un abysse dans le traitement du sujet, qui par le commentaire enregistré d’une journaliste de l’époque, les policiers perdent leur trace macabre la retrouvent dans une salle de spectacle, le Bataclan, nous fait passer directement du Carillon (21:20) à la salle de spectacle (21:40). Un abysse de 20 minutes, deux pistes et pas une, puisque comme nous le savons aujourd’hui, une équipe a écumé les 10ème et 11ème arrondissements entre 21:20 et 21:40, parvint à s’échapper en banlieue par la place de la Nation, sans avoir rencontré la moindre opposition. Quand Brahim Abdeslam se fit exploser au Comptoir Voltaire, les trois djihadistes avaient vraisemblablement épuisé, en trois attaques précédentes, la quasi totalité des munitions de leurs trois fusils (5), que les deux survivants abandonnèrent dans leur véhicule. Quel étonnement ou satisfaction ressentit Abdelhamid Abaaoud, qui après un itinéraire plus proche de la balade touristique, en terme de danger pour lui-même, revint par les transports en commun, assister en badaud au siège du Bataclan ?

perdent leur trace me laisse songeur. Récapitulons :

  • 21:20 : Le Carillon et le Petit Cambodge, 13 morts,
  • 21:30 : Bonne Bière et Casa Nostra, 5 morts,
  • 21:35 : La Belle Équipe, 21 morts,
  • 21:40 : Le Comptoir Voltaire, des blessés, un seul décès, Brahim Abdeslam.

Paris compte deux fois plus d’effectifs de police dits actifs per capita, qu’il n’y a de policiers à New York. Où étaient les patrouilles, où étaient les fringants BACqueux, qu’ont fait les personnels en commissariats (celui du 11ème arrondissement est à 350 m de la Belle Équipe), quelles ont été leurs initiatives, quelles images parvenaient à la Préfecture de police via les caméras de surveillance dans ces quartiers, quelles ont été les communications entre terrain, état-major de la Sécurité publique (Z1), état-major de la Police judiciaire (Z2), salle de commandement,…. qui commandait,… quels ont été les ordres ? Comme j’aurais aimé y voir s’y faire la main les détestables voltigeurs, reformés en 2019, plutôt que sur de malheureux manifestants. Leur échelle de valeurs en aurait sans doute été bouleversée.

Le documentaire d’Arte n’en dit rien. Pourtant, ces 20 minutes sont en soi le second scandale de la débâcle du 13 novembre. En outre, l’interception de l’équipe qui a pu écumer deux arrondissements, aurait vraisemblablement empêché (6) l’attaque du Bataclan. L’avocate Samia Maktouf dit que la commission parlementaire n’a pas révélé toutes les vérités. Je le pense aussi. Le premier scandale est l’incurie des services de renseignement, le troisième est le siège de la salle de spectacle.

Le Bataclan

C’est à 0:20, le 14 novembre, trois heures après le début des attaques, plus de deux heures trente après celui du massacre au Bataclan, que le RAID (7) et la BRI (8) y achevèrent leur travail. Les blessures par munition militaire de 7,62mm sont atroces. Combien des 90 victimes ont agonisé faute de soins ?

Chef du RAID en 2015, aujourd’hui député LREM, Jean-Michel Fauvergue, défend le respect du protocole, Cazeneuve aussi. Mais d’initiative, après 21:50, quelques minutes seulement après que les trois inghimasiyyin (9) y aient fait irruption, le commissaire X, chef adjoint de la BAC Nuit, pénétra profondément au Bataclan, avec son chauffeur. Sans plus de protocole, avec leurs seules armes de poing, ils neutralisèrent Samy Amimour, alors sur la scène de la salle de spectacle (10), presque deux heures trente avant que les forces protocolaires n’en aient abattu un second et que le troisième ne se soit fait sauter. À la barre, le commissaire décrira la confusion totale sur les ondes radio, lui, marcha au canon [vieille expression militaire que j’emploie ici car elle me paraît la plus adéquate] vers le Bataclan. C’est sous le feu des Kalachnikov des deux terroristes survivants que le commissaire ressortit. Puis il appela à la rescousse une quinzaine de BACqueux, que depuis depuis plus d’une demi-heure, la salle de commandement de la Préfecture de police s’était montrée incapable d’aiguiller vers les sites des différentes attaques. En revanche, elle leur a interdit formellement de s’engager avant la BRI dans la salle de spectacle. Pendant au moins trois quarts d’heure (11) ensuite, vraisemblablement une heure (12), les assassins ont poursuivi la tuerie de masse, sans être importunés (13). Puis BRI en tête, les forces d’intervention n’ont repris le Bataclan qu’après minuit.

La commission d’enquête parlementaire révèle que rapidement, huit militaires du dispositif Sentinelle (14) se sont positionnés à l’entrée du Bataclan. Mais ils ne sont pas intervenus pour faire cesser le massacre au plus tôt. Sous la pression évidemment de sa hiérarchie, le commissaire X ne parlera pas de cet épisode à la barre. Des policiers, j’imagine le commissaire X et son chauffeur, après avoir abattu Amimour, ont réclamé par radio que les soldats soient engagés. La salle de commandement de la Préfecture de police leur répondit : Nous ne sommes pas en guerre, les militaires n’engagent pas le feu sur le territoire national (15). Le fantôme de Courteline (autrefois fonctionnaire du Ministère de l’intérieur) me frôle le visage. Qui a conçu cette réponse, le préfet de police Michel Cadot, Cazeneuve, Valls, Hollande ? La tuerie de masse s’est prolongée au plus tôt jusqu’à 22:45, probablement après 23:00. Interrogé à ce sujet dans le documentaire, Valls apparaît confus, sur la défensive. Le parlementaire belge Georges Dallemagne en est convaincu, une telle incurie, en Belgique, aurait fait sauter le gouvernement.

Le documentaire évoque à juste titre les rivalités entre Gendarmerie (GIGN, 16) et Police nationale (RAID), celle-ci et la Préfecture de police (BRI)… Valls et Cazeneuve sont pitoyables…. et quel crétin de la chaîne hiérarchique leur aurait rapporté une prise d’otages au Bataclan ? La première équipe semblait disposer à en prendre au stade de France ? La seconde a cherché à négocier depuis un restaurant de la place de la Nation ? Quiconque, avec une perception minimale du Califat depuis 2014, savait que les djihadistes ne feraient pas de quartier. Quand après avoir tiré en rafales dans la foule, assassiné des victimes prostrées, ils se sont saisis de boucliers humains pour faire face à la police, leur intention n’était pas de survivre à l’affrontement, mais de prolonger le combat, pour lui donner le plus possible d’amplitude. Ils ne voulaient pas se rendre, il n’y avait rien à négocier avec eux. Pour rappel, la Préfecture de police s’y est essayée. Sous couvert de sa hiérarchie, un négociateur (RAID ou BRI) les a appelés cinq fois, entre 23:30 et 0:15. Après seulement, le préfet Cadot ordonna de les liquider.

Selon Thierry Orosco, qui commandait le GIGN entre 2011 et 2014, les primo-intervenants (qu’ils soient policiers de commissariat, BACqueux, de la PJ ou du renseignement,… armés hors service) doivent s’employer à faire cesser les tueries de masse. Cet axiome est une évidence pour les contribuables. Il ne fut pas appliqué le 13 novembre 2015, ni au Bataclan, ni avant 21:40, entre Saint Louis et Nation. Et je soupçonne fortement de le contester, les syndicats de police qui prétendent servir [qui ?], ne pas mourir [inshallah, 17], accusent la justice de laxisme et revendiquent la modification de la Constitution pour leur seul avantage corporatiste. Je connais le fonctionnement de la Préfecture de police. Alors inspecteur de police à la Brigade criminelle, je me souviens de la fusillade de la place de la Nation, le 4 octobre 1994… ai failli y être impliqué à quelques minutes près, en qualité de policier hors service, armé. Après les premiers tirs place de la Nation, entre 21:35 et 21:40, Audry Maupin et Florence Rey, en automobile, ont été pourchassés, rattrapés et neutralisés dans le bois de Vincennes, fin de l’histoire à 21:50. Il faut préciser qu’en de telles circonstances, Z1 (état-major de la Sécurité publique) a lancé par radio le traditionnel Collègues en difficulté (euphémisme, 18). De nos jours, le RAID est appelé pour trois squatteurs qui exhibent des carabines (19).

Le renseignement

Le documentaire met l’accent sur l’incurie du renseignement, il le mérite. Selon Georges Fenech les deux patrons d’agences françaises (qu’il ne nomme pas : Patrick Calvar pour la DGSI (20), fusion par Nicolas Sarkozy de la DST (21) et des RG (22), Bernard Bajolet pour la DGSE, 23) ont admis que le 13 novembre 2015 était un échec pour leurs services.

Pour rappel, alors en Grèce, Abaaoud parvint à s’échapper le 15 janvier 2015, quand la cellule qu’il pilotait déjà à Verviers, fut neutralisée par les Belges. Il est revenu plus tard en Europe, était en Hongrie le 1er août, en mesure de préparer une opération et d’accueillir des troupes fraîches. C’est pourquoi il n’apparaissait pas dans la vidéo de revendication réalisée en Syrie, qui montrait huit autres membres de son futur commando et que le Califat ne diffusa qu’en janvier 2016.

De son point de vue, une structure judiciaire spécialisée, au carrefour de nombreux flux d’informations, le juge Marc Trévidic confie qu’à partir de la fondation du Califat, sous Abu Bakr al Baghdadi, fin juin 2014, les Français ne maîtrisaient plus rien du tout. À l’avenant sans doute d’une politique étrangère peu pragmatique (24) Le 15 août 2015, il prit l’audition du revenant (25) Reda Hame, qui admit la préparation par l’Emni, service de renseignement et d’infiltration du Califat, de l’attaque d’une salle de concert de rock, que le chef du commando serait Abaaoud. Et à l’insu du renseignement, celui-ci était déjà en Europe à ce moment-là ! Toujours selon le documentaire, quelqu’un de la DGSI (Calvar ?) a répondu à l’occasion à la commission parlementaire que ce qui venait de Belgique ne nous [la sûreté intérieure] concernait pas. Pour l’anecdote, je me souviens d’avoir participé autrefois, à la DST, au travail qui a déjoué une attaque au Niger. Et ni la source d’information originale, ni les djihadistes impliqués, n’étaient français.

Pour rappel, le jour même des attaques, une citoyenne suisse reçut un SMS de son frère, qui lui demanda si elle était alors à Paris. Rassuré par la réponse, le frère lui envoya ensuite le pictogramme d’une bombe. Damien G*, nom de guerre Abu Suleiman al Swissri, était un djihadiste francophone, membre de l’Emni, qui par Amour fraternel, commit alors une erreur indigne de sa fonction. Il était parti se battre en Syrie dès 2013, dans les rangs d’al Nusra (franchise locale d’al Qaeda), puis du Califat. Je connais un peu le renseignement suisse, serais étonné que son environnement n’ait pas été alors sous surveillance. Le message n’a pas été intercepté et exploité à temps, en Suisse ou en France.

Bernard Squarcini, premier patron en 2008 de la DCRI (26, fusion de la DST et des RG, future DGSI), rappelle que dès cette année là, le Bataclan apparaissait comme une cible éligible par des djihadistes.

Les interventions ultérieures de Samia Maktouf et Bernard Squarcini sont d’un intérêt culturel mais n’expliquent pas pourquoi le renseignement a failli. Elles dénotent plutôt la tendance des services à judiciariser les dossiers, stratégie française élaborée voilà des décennies, qui culmina avec la fusion de la DST et des RG, Squarcini aux commandes, en ce qui est finalement devenu la DGSI. En toute franchise, je pense aussi que la sortie du territoire d’un aspirant djihadiste est moins préoccupante que son retour du Califat, vivant ET indétecté.

Faire du renseignement (traiter des sources humaines, échanger avec des agences étrangères, surveiller des individus, analyser une masse d’informations, savoir distinguer les plus significatives, pour prévoir ce que veut faire l’ennemi, enfin le neutraliser) et faire de la procédure judiciaire (interpeller, parfois de façon prématurée, neutralisation dont j’ai fait l’expérience à la DST, interroger, perquisitionner, construire une procédure à destination des magistrats) ne sont pas les mêmes métiers. Leurs temporalités sont différentes. Celle du renseignement est plus en harmonie avec celle des djihadistes. Souvent aussi, les politiques cherchent à imposer le tempo, quand la procédure judiciaire aborde le terrorisme. Je n’ai jamais travaillé avec Marc Trévidic, il m’est sympatique. Je n’aimais pas Jean-Louis Bruguière, qui se contemplait dans le miroir médiatique. Il a gagné le surnom d’Amiral, qui lui a été attribué à la DST, après sa ridicule escapade navale dans les eaux libyennes, mais c’est une autre histoire (27).

Quand la DGSI fait les deux, son fonctionnaire lambda fait l’un ou l’autre, jamais en même temps, excelle en l’un ou l’autre, rarement les deux. La bureaucratie s’y ajoute quand Lambda n’est plus un inspecteur de police, comme avant la réforme de 1995, mais un fonctionnaire passé par une école de gardiens de la paix, peu formé ou incité à voir plus loin que sa hiérarchie. Non sans malice, Didier Le Bret, Coordinateur national du renseignement en 2015, qualifie la DGSI d’espèce de FBI à la française. Il faut dire que les agents du FBI (28) sont recrutés à un autre niveau que les gardiens de la paix. Dans le cas du 13 novembre et aussi bien du 7 janvier, c’est le renseignement qui a d’abord fait défaut.

Un partie du documentaire aborde des questions idéologiques, dans la veine contre le séparatisme (29), qui m’intéressent beaucoup moins, sauf à me rappeler, comme l’écrit Alain Badiou, que Vichy existait en France bien avant Pétain (30).

La débâcle du 13 novembre 2015 fut d’abord le lamentable échec technique des services français censés assurer la sûreté. Les secours aux victimes ont été admirables (31), mais en matière de sûreté, rien, à aucun niveau, n’a fonctionné correctement. Et des échecs comme celui-là stimulent sans doute autant la menace endogène que la propagande djihadiste elle-même.

Quelques minutes avant l’attaque, les Eagles of Death Metal se produisent au Bataclan (Joël Sago / AFP)
  1. Les ombres du Bataclan
  2. Le rapport parlementaire 3922
  3. Le 17 novembre 2015, quatre jours après les massacres à Paris, Bernard Cazeneuve déclara que le système français de sûreté n’avait connu aucune faille
  4. La cour d’assises spéciale entendra qu’une ceinture ou gilet explosif comptait un à deux kg d’artisanal TATP et presque quatre kg de mitraille, de petits écrous. Manuel Dias fut la seule victime qui décéda fauchée par une explosion
  5. Rien qu’au premier point (Carillon et Petit Camboddge, 13 victimes décédées), les djihadistes ont tiré 130 coups, soit 25% de la capacité de leurs 17 chargeurs. En deux autres points successifs (Bonne Bière, Casa Nostra, puis Belle Équipe), ils ont fait 26 autres victimes décédées. Lors des investigations, les enquêteurs ont extrait les balles, qui par expertise balistique, ont pu être attribuées à l’une ou l’autre des armes
  6. L’audition le 15 août 2015 de Reda Hame apprit au juge Marc Trévidic la pensée tactique d’Abdelhamid Abaaoud : les gilets explosifs étaient destinés à tuer et blesser des policiers. Ces informations ont été communiquées à la DGSI et indirectement, à la Préfecture de police, presque trois mois avant les attaques. Depuis longtemps dans Paris, comme l’ont montré les caméras de surveillance, la troisième équipe attaqua le Bataclan, après que la seconde, celle des terrasses, soit parvenue à s’exfiltrer par la place de la Nation. Elle est clairement restée en réserve, en mesure de renforcer la précédente, en cas d’interception par la police. Comme la suite l’a montré, Abaaoud n’était pas équipé de gilet explosif. Précieux pour l’Emni, il devait pouvoir s’échapper
  7. Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion, Police nationale
  8. Brigade de Recherche et d’Intervention, Préfecture de police
  9. Pluriel d’inghimasi, combattant djihadiste qui outre son fusil, porte un gilet explosif, qu’il déclenche d’initiative, quand il est acculé ou que s’offre à lui l’opportunité que la déflagration fauche beaucoup d’ennemis
  10. La position de Samy Amimour sera confirmée le 17 septembre 2021, lors de sa déposition devant la cour d’assises spéciale, par le commandant de la Brigade criminelle qui a coordonné les constatations sur la scène de crime du Bataclan
  11. Le 17 septembre 2021, une première indication chronologique sera l’enregistrement d’un dictaphone, dont les vingt premières secondes (le début de l’attaque du Bataclan) seront diffusées devant la cour d’assises spéciale. Un commandant de la Brigade criminelle déclarera que les 32 premières minutes (jusqu’à environ 22:20, heure présumée de l’arrivée de la BRI à proximité) comptent 258 coups de feu, soit 57% de la capacité des quinze chargeurs que les djihadistes portaient dans un sac. L’enquêteur précisera qu’après l’intervention à l’intérieur du commissaire X et la mort de Samy Amimour, vers 22:00, l’intensité des tirs terroristes a sensiblement diminué dans la salle de spectacle. Suite aux demandes de renfort du commissaire X, le BACqueux Michel parvint sur le site vers 22:05. À 22:10, les policiers présents étaient bien plus d’une dizaine, quand formellement, la salle de commandement de la Prefecture de police leur interdit de s’engager avant la BRI. En dépit de cet ordre, les BACqueux sont allés secourir quelques blessés. Michel y a participé et à la barre le 27 octobre 2021, il déclarera qu’à 22:30, quand dans la crainte d’une blessure ultérieure, il envoya un SMS à sa famille, la BRI n’était pas encore engagée. Les traces des communications radio de la BAC Nuit indiqueront que l’intervention de la BRI ne commença que vers 22:45
  12. Jean-Marc déposera le 6 octobre 2021 à la barre de la cour d’assises spéciale. Il était dans la fosse du Bataclan au début de l’attaque, se mit ventre à terre, a fait le mort, assista à l’explosion sur la scène de Samy Amimour, abattu vers 22:00 par le Commissaire X et son chauffeur. Il est resté dans cette position une heure et demi, a vu encore des personnes s’effrondrer sous les tirs, quand elles se relevaient et tentaient de fuir. Il racontera comment des victimes ont agonisé à ses côtés. Quand la fosse fut enfin sécurisée par la BRI, il put se relever et sortir, arriva dehors à 23:20 ! Le Bataclan est un espace réduit. Quand lui et son chauffeur ont abattu Samy Amimour, le commissaire X était adossé au bar, à gauche de l’entrée, tira sur la scène, par dessus la fosse, à seulement 30 mètres (ce qui est loin pour un tir à l’arme de poing, mais définit un espace de faibles dimensions). Pour sécuriser la fosse, les balcons devaient être nettoyés. Mais l’architecture offre de multiples solutions de tirs croisés vers l’intérieur. Probablement plusieurs centaines de personnels utiles sur place (BRI, RAID, Sentinelle, BAC… etc), seulement deux djihadistes survivants, qui avaient dépensé alors les deux tiers de leurs munitions sur des victimes désarmées, deux heures pour les neutraliser, entre 22:20 et 0:20. Personne n’a honte ?
  13. Selon le témoignage à la presse de Christophe Molmy, qui en était le chef, la BRI était encore à 22:15 du côté de la Belle Équipe (le massacre y était terminé depuis plus de 35 minutes, l’équipe d’Abaaoud devait avoir quitté Paris depuis environ une demi heure), où il semble que la salle de commandement de la Préfecture de police l’ait baladée. Ou alors elle s’y trouvait à l’initiative de Molmy lui-même, que son directeur [sa déposition à la barre le 22 septembre 2021] redirigea ensuite vers la tuerie en cours du Bataclan. Un tempérament inapte à marcher au canon comme le fit le commissaire X, inapte à mener ensuite une action rapide, un technocrate, soumis au protocole
  14. Le dispositif Sentinelle a été mis en place, en théorie pour éviter que ne se reproduise une attaque telle que contre la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. Mais aucun de ses concepteurs ou gestionnaires ne semble avoir envisagé, avant le 13 novembre, la possibilté que des militaires aient besoin de faire feu
  15. À un certain moment, il faudrait quand même savoir ce que l’on veut, être conscient de ce que l’on fait. Les bombardements français du Califat ont commencé le 19 septembre 2014, en Irak, pas en Syrie, où ils auraient alors favorisé [François Hollande] Bashar Assad. Syrie ou Irak, peu importait à Abu Bakr al Baghdadi, qui avait aboli la ligne Sykes-Picot. Ce ne fut qu’après les attaques à Paris que les Français, en catastrophe, le 15 novembre 2015, commencèrent à bombarder le centre névralgique du Califat, Raqqa, Syrie
  16. Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale
  17. cf. la manifestation scélérate qui fut organisée devant l’Assemblée nationale le 19 mai 2021. J’ai encore entendu en 2019 une cadre de la Préfecture de police vanter la colonne du Bataclan. Alors que tout vétéran de la Police nationale était conscient de l’échec de l’opération. Elle construisait même une identité avec les colonnes contre les Gilets Jaunes. Cet état d’esprit nuit aux victimes, qu’elles soient tombées le 13 novembre 2015 ou du fait de violences policières. Il dénote un corporatisme radicalisé, une approche technocratique. Au début des années 2000, la colonne a été importée des USA, où les polices (municipales) s’étaient militarisées. Son ambition est de réduire à néant les pertes policières. Ce carcan tactique massifie l’intervention, s’est révélé catastrophique, car il a limité l’action au seul Bataclan, où de surcroît, des victimes ont agonisé. Je vois comme organisations d’extrême-droite la quasi totalité des syndicats policiers français, qui revendiquent de ne pas mourir [inshallah], à une époque où les pertes sont trois fois moins nombreuses que dans les années 80, pas une seule en tous cas le 13 novembre 2015
  18. Les fusillades du 4 octobre 1994 ont fait quatre victimes décédées, dont trois policiers en uniformes. Audry Maupin fut abattu, Florence Rey, interpellée
  19. Cela s’est produit le 3 septembre 2021, à Saint Cyr l’École, Yvelines. J’en profite pour évoquer le matin du 18 novembre 2015, à Saint Denis. RAID et BRI s’y sont arrosées mutuellement, d’une telle force, que les policiers ont cru être sous le feu de Kalachnikov, quand les tirs étaient en réalité amis. Le pauvre chien Diesel fut abattu par un fusil à pompe (munition Brenneke) de la police. Des milliers de balles tirées, aucune n’a atteint l’un ou l’autre des deux djihadistes, mais une blessa un passant. Les assiégés disposaient d’un pistolet automatique et d’une ceinture explosive, que Chakib Akrouh déclencha finalement, ce qui tua aussi Abdelhamid Abbadoud. Il y a un vrai problème de comportement des policiers français sous le feu ou dans sa perspective, même au sein des formations réputées d’élite
  20. Direction Générale de la Sécurité Intérieure, dépend directement du ministre, pas de la Police nationale
  21. Direction de la Surveillance du Territoire, alors contre-espionnage et contre-terrorisme
  22. Renseignements Généraux
  23. Direction Générale de la Sécurité Extérieure, armée
  24. The path to November 13, 2015
  25. Après plusieurs années de travail, d’entretiens, le journaliste David Thomson a publié à partir de février 2016, sous forme de feuilleton dans le journal en ligne Les Jours, les témoignages de revenants. Le livre sortit quelques mois après. Un revenant est un djihadiste, revenu des territoires contrôlés par le Califat
  26. Direction Centrale du Renseignement Intérieur
  27. Affaire du DC-10 d’UTA, qui explosa au dessus du Niger le 19 septembre 1989
  28. Le Federal Bureau of Investigation est rattaché au ministère de la justice (United States Department of Justice, DOJ), pas au United States Department of Homeland Security (DHS)
  29. Théorie politique de droite et sujet d’une loi de 2021, qui suppose que les expressions culturelles exogènes, en particulier musulmanes, détruisent la République
  30. in De quoi Sarkozy est-il le nom ? 2007
  31. La nuit des attentats du 13-Novembre racontée par les appels au Samu

11 responses to “La débâcle du 13 novembre 2015”

  1. […] Pour rappel, la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), ancienne DST (Direction de la surveillance du territoire), est l’agence de contre-espionnage et de renseignement anti-terroriste, qui aurait pu déjouer, si elle avait été compétente, les attaques du 13 novembre 2015. […]

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  2. […] La mobilisation populaire se poursuit contre le projet gouvernemental de réforme néo-libérale des retraites. À Paris, une nouvelle manifestation s’élance le 11 mars 2023, entre place de la République et celle de la Nation, via Bastille. Soudain sur le boulevard Beaumarchais, des fonctionnaires de la Préfecture de police chargent le cortège pacifique. Ils cherchent à impressionner, ne le soyez pas. La même flicaille, médiocre et pléthorique, se terre de frousse quand elle est confrontée à une poignée d’individus armés, comme le 13 novembre 2015. […]

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  3. […] Charlie Hebdo, toujours en poste dix mois plus tard, le 13 novembre, quand le Califat infligea une spectaculaire débâcle aux services français de sûreté. Passons ici sur l’incurie des services de renseignement, la soirée fut mémorable aussi parce […]

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  4. […] et la pathétique prestation des forces de l’ordre, lors d’événements comme ceux du 13 novembre 2015, ont montré que dans leur immense majorité, ces fonctionnaires ne sont pas de taille à affronter […]

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  5. […] en amont des actions des archers du guet ont disparu. Bien sûr, les niveaux de compétence des services de renseignement et d’investigation ont chuté. Ce dernier point pourrait bien avoir été en définitive […]

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  6. […] la police française, disait Adolfo Ramirez. La mécanique a nettement moins bien fonctionné le 13 novembre 2015. Conspiration ? Quand j’étais jeune inspecteur de police, dans les années 90, le Parisien […]

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  7. […] la police française, disait Adolfo Ramirez. La mécanique a nettement moins bien fonctionné le 13 novembre 2015, quand ils étaient 30 000 mais seulement 9 en face. Conspiration ? Quand j’étais jeune […]

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  8. […] beaucoup plus vaillants et fanfarons contre des personnes sans arme, qu’ils ne l’ont été le 13 novembre 2015, à Paris, contre une poignée d’individus […]

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  9. […] prétend atténuer les malheurs de la France, mais au même titre que les opérations djihadistes du 13 novembre 2015 à Paris, l’assassinat de Samuel Paty ne fut pas plus qu’un anecdotique dommage collatéral de […]

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  10. […] radicalisée de François Hollande, l’homme qui parlait aux roses, la conséquence aussi de l’incompétence des services français de sûreté que les mignons […]

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