Nicolas Cinquini

un moment grand-guignolesque de démocratie représentative française

Le vendredi 28 avril 2023, la Préfecture de police publia un arrêté qui évoqua à la fois un délai trop court pour une déclaration de manifestation, l’interdiction habituelle des sifflets lors d’un match de football et la politisation d’une rencontre sportive, pour interdire le rassemblement syndical, le lendemain, à l’extérieur du Stade de France. Dans le cadre du mouvement social contre la réforme des retraites, les syndicats souhaitaient distribuer des cartons rouges et des sifflets au public de la finale de la Coupe de France, à laquelle Emmanuel Macron devait assister.

À la suite d’un référé-liberté des syndicats et de la LDH, le tribunal administratif suspend l’arrêté en fin d’après-midi, le samedi, autorise le rassemblement et la distribution de tracts, suggère enfin que la Fédération française de football se chargera d’empêcher l’introduction de sifflets dans l’enceinte. Les communications de la Préfecture de police ne semblent pas s’être améliorées depuis la catastrophique soirée du 13 novembre 2015 et sur le site, les voltigeurs encerclent les syndicalistes, dans une vaine tentative de les intimider

Didier Lallement, le préfet qui sentait Papon et que j’appelle aussi Papon le Bref, a formé la BRAV-M en mars 2019, afin de réprimer le mouvement social des Gilets Jaunes. Elle fut la résurrection d’une précédente formation de maintien de l’ordre, les voltigeurs, qui avait été dissoute après qu’un jeune innocent, Malik Oussekine, eut été battu à mort le 6 décembre 1986. Recrutés au rabais et formés comme des chiens d’attaque, ces voltigeurs modernes sont des flics bon marché, cancres du Droit, alors que les actions illégales de la Police nationale sont devenues systémiques

Successeur de Lallement, dont la carrière fut brisée par les exactions de ses cognes, le 28 mai 2022, au même Stade de France, lors de la finale de la Ligue des champions entre clubs britannique et espagnol, Laurent Nunez est un pur produit de l’administration préfectorale française. Il a pourtant affirmé le matin même, avant la décision du tribunal administratif, que les cartons rouges ne seraient pas confisqués à l’entrée de l’enceinte

Hélas, nous savons depuis la fin du XVIIIe siècle et par l’auteur français Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort, que

l’Anglais respecte la loi et repousse ou méprise l’autorité. Le Français, au contraire, respecte l’autorité et méprise la loi

Sans surprise, après la suspension de l’arrếté, les stadiers ont reçu des ordres, confisquent les petits cartons rouges à l’entrée du Stade de France. Sont ils mesquins, les pauvres, avec leur article 7 du règlement du stade de France, qui interdit les emblèmes à caractère politique. J’en ris : finale de Coupe de France ou réunion de dames patronnesses à Vichy en 1942 ? Un règlement n’est pas loi, mais comporte aussi une lettre et un esprit. C’est une banderole revendicative de la CGT qu’il aurait visée en toute intelligence

3 000 policiers et gendarmes sont déployés et à l’ouverture du match, la Préfecture de police annonce déjà 21 interpellations. Je suis curieux d’en connaître les motifs, je veux dire en Droit pénal.

Les mesures préventives de police administrative du dévoué préfet ne rassurent pas vraiment Emmanuel Macron. Pour saluer les joueurs de Nantes et Toulouse, sa Vacuité préfère rester dans les couloirs

Les images sont diffusées par les chaînes de télévision mais pas retransmises pour le public dans le stade, pour éviter les sifflets.

En référence à l’article 49.3 de la Constitution, que le gouvernement a dégainé pour imposer au parlement sa réforme néo-libérale des retraites, le public siffle à la 49ème minute

Rien de révolutionnaire cependant, les jeux divertissement le peuple et Toulouse bat alors Nantes par 4 à 0. Le résultat final est 5 à 1, comme dans un premier tour.

C’est en loucedé que la coupe est remise en tribune, puis Macron quitte le Stade de France comme il y arriva, à l’anglaise. Il a sauvé ce qu’il considère le plus important et Nunez, sa propre tête. Le chef de l’État a toujours été la risée de ses homologues, les médias étrangers se seraient délectés d’une humiliation spectaculaire sur la pelouse.