Mort d’un journaliste engagé

Troisième depuis la gauche, Frédéric Leclerc-Imhoff fraternise avec des combattants ukrainiens, qui publieront cette photographie sur les réseaux sociaux à l’annonce de sa mort

Le 30 mai 2022, le journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff est mortellement blessé, alors qu’il couvre la guerre entre Ukraine et républiques séparatistes du Donbass, dans une phase particulièrement meurtrière, depuis le déclenchement par la Russie, le 24 février, de son opération militaire spéciale dans la région. Par son destin tragique, les réactions politiques et médiatiques que sa disparition suscite, le reporter apparaît comme la figure sacrificielle d’un pays qui est en guerre sans la faire.

Le contexte militaire

Frédéric Leclerc-Imhoff est fauché dans les rangs ukrainiens qui se disloquent, près de Severodonetsk, république populaire de Lugansk, où séparatistes et Russes culbutent leurs adversaires, qu’ils pourraient même encercler et écraser

Cette carte de situation locale, au 30 mai, a été réalisée par l’Institute for the Study of War (ISW), un Think Tank basé à Washington DC, une source on ne peut plus atlantiste

Le mensonge

Dans l’après-midi, Emmanuel Macron lui rend hommage. À cette heure, la nouvelle tragique a déjà été largement exploitée par la propagande ukrainienne, médias officiels et influenceurs de la SBU (sûreté d’État), sous couverture d’internautes. Le président fait une synthèse de cette propagande, affirme que des civils se trouvaient aux côtés du journaliste, blessé à bord d’un bus humanitaire, alors que j’ai déjà lu plus tôt que le véhicule était blindé.

Ce tweet est une incitation à approfondir les recherches. J’ai un à priori, cette histoire humanitaire de fuite en véhicule blindé, je ne la sens pas.

La France va plus loin et le parquet national anti-terroriste ouvre une enquête préliminaire pour crimes de guerre. Chacun sait en Europe que la parquet Français est soumis au pouvoir exécutif, une transgression du principe de séparation des pouvoirs. Mais sur le fond, l’entreprise est indécente, car le 13 avril, Gabriel Attal, alors porte-parole du gouvernement français, admit avec fierté que la France était depuis 2014, le plus gros fournisseur d’armes et de munitions à l’Ukraine. Armes et munitions que les forces ukrainiennes ont employées pendant tout ce temps à bombarder des zones civiles dans le Donbass séparatiste, ce qui est une activité terroriste.

La France apparaît modérée à beaucoup d’Ukrainiens et de supporters occidentaux les plus virulents. C’est bien ingrat, car elle a réaffirmé sa volonté d’armer l’Ukraine et il reste probable à ce jour, que des fonctionnaires français en activité aient été tués ou capturés, lors de la précédente défaite ukrainienne à Marioupol.

Les deux journalistes français

Frédéric Leclerc-Imhoff apparaît discret sur Twitter, où il se contente en général de partager les publications de son coéquipier, Maxime Brandstaetter, dont l’investissement émotionnel est évident

Tous deux travaillent pour la chaîne de télévision privée BFMTV, sans doute le plus fervent soutien dans son domaine d’Emmanuel Macron et des atlantistes français.

BFMTV est plus qu’une chaîne d’information, plus que le Fleury Michon des consommateurs d’informations. Elle fournit continuellement un prêt à penser à tous ceux qui travaillent trop pour rembourser leurs crédits, tous les indigents intellectuels qui cherchent néanmoins à briller en société.

Les faits

L’Ukraine dispose elle-même d’un formidable appareil de propagande, qui s’est illustré par exemple lors des crimes de guerre ukrainiens à Boutcha. En cette occasion d’ailleurs, parmi tous les chefs d’État occidentaux, Emmanuel Macron en a produit son plus fidèle écho.

Et bien pourtant, par ses rapports factuels à chaud, très loin des extrapolations partisanes d’Emmanuel Macron, la source la plus fiable est ukrainienne et officielle. Serhiy Haidai est le gouverneur, dans l’Ukraine de Volodymyr Zelenskyy, de la région séparatiste de Lougansk

La photo de profil de la chaîne Telegram de Serhiy Haida

Le matin déjà, Serhiy Haidai a dressé le tableau de la situation locale, suggéré l’emploi du temps des deux journalistes français. Severodonetsk est toujours le théâtre de combats, les Ukrainiens tiennent encore Lisichansk, les lignes de communication sont bombardées et dangereuses, par exemple de Bakhmut, à l’ouest, à Lisichansk, qu’un convoi de munitions, dix véhicules, dont un seul humanitaire blindé, s’apprête à rallier.

Ultérieurement sur la scène de crime, ce véhicule apparaît comme une sorte de gros camion, peut être un bus. Les aviateurs ou observateurs d’artillerie ne peuvent y distinguer de signe humanitaire

Photo de la scène de crime, où j’ai flouté un corps

Nous remarquons aussi qu’à l’heure des bombes guidées, le véhicule n’a pas subi de coup direct. Il semble que le pare-brise ait été perforé par un projectile.

À 15:03, heure locale, Serhiy Haidai communique à nouveau sur Telegram

Évacuation officiellement arrêtée. Les racistes ont tiré sur une voiture qui allait embarquer des gens. Journaliste français tué. Aujourd’hui, notre véhicule blindé d’évacuation allait récupérer dix personnes dans la zone et a essuyé le feu ennemi. Des éclats d’obus ont percé le blindage de la voiture, une blessure mortelle au cou a été reçue par un journaliste français accrédité, qui faisait des reportages sur l’évacuation, un policier de patrouille a été sauvé par son casque. Nous arrêtons officiellement l’évacuation

Dans les zones de combat ukrainiennes, les policiers sont habituellement des para-militaires, comme le montre cette capture d’écran, du personnel de la sûreté d’État (SBU), dans le banlieue de Kiev au mois d’avril, après la retraite russe, à plus forte raison aujourd’hui autour de Lisichansk

Une autre photo, un peu plus difficile, montre la tenue camouflée d’un témoin de scène de crime et un fusil d’assaut Kalachnikov, posé dans la cabine, à l’endroit même où quelqu’un a saigné

Mon expertise

Frédéric Leclerc-Imhoff et Maxime Brandstaetter ont embarqué à bord d’un véhicule utilitaire blindé, dans un convoi ukrainien de ravitaillement en munitions. Leur environnement était militaire ou paramilitaire, armé. Le convoi s’est engagé sur les lignes de communication ukrainiennes, habituellement frappées par les forces russes et séparatistes. Le drame s’est produit avant ou après Lisichansk, dans la direction de Severodonetsk, qui est actuellement prise d’assaut.

La mission particulière du véhicule des deux Français était d’évacuer dix personnes précises, probablement des officiels. Mais le convoi a été frappé, avant que ces dix personnes n’aient été embarquées.

La frappe fut légitime, sur un objectif militaire. Aucun autre civil ne se trouvait alors aux côtés des deux Français.

Pour les amateurs de théories plus élaborées, la mort de Frédéric Leclerc-Imhoff s’est produite le jour où la ministre française des affaires étrangères visitait Volodymyr Zelenskyy à Kiev. En considération des antécédents des services spéciaux ukrainiens, l’hypothèse d’un false flag est tentante. Mais je crois plus à un concours de circonstances.

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